Bel Ami de Maupassant

Grrr!!! Voilà un livre qui ne m'a pas laissée indifférente! La colère sourde et la révolte les plus concentrées sont encore chaudes dans mon ventre; aussi j'en profite pour écrire mes pensées sur ce roman tant que le fer est encore rouge.

Spoilers!



L'intrigue tourne autour de George Duroy, qui deviendra par la suite Du Roy, ce petit prétentieux vaniteux insupportable, et décrit notamment son ascension sociale. Ce rustre sans aucune pitié ne renoncera à aucun stratagème pour parvenir au but qu'il se fixe - c'est-à-dire la recherche de toujours plus d'argent, de toujours plus de reconnaissance sociale, de toujours plus de rang et de maîtresses. Je ne sais comment j'ai pu éprouver la moindre sympathie envers ce personnage vulgaire au début du roman!!

Duroy est la bassesse incarnée. L'hypocrisie incarnée aussi. Alors qu'il trompe sa femme allègrement, il ne se gêne pas, pour divorcer, à jouer les maris trahis et outrés en surprenant l'adultère de sa femme par le commissaire. Il soutire la moitié de l'héritage de sa femme également. C'est un rapace de la pire espèce, avide d'argent, un nombril sur patte, écoeurant. Voilà le mot exact.

La place des femmes dans cette société du XIXe est bien malheureuse... Les hommes ont le plein pouvoir. Le mari décide pour sa femme d'accepter ou non son héritage. C'est abject. Les femmes ne peuvent s'exprimer dans la presse, réduite à écrire sous le nom de leur mari, qui en tire toute la gloire.  Elles oeuvrent dans l'ombre car le code Napoléon, code civil, leur empêche de prendre part active et reconnue dans la presse, notamment. Elles sont battues pour une parole de travers. C'est horrible de constater page après page cette dépendance affreuse. On remercie les progrès féministes...

Les liens entre la presse, la politique et le capitalisme sont bien décrits; on voit que ce n'est qu'un jeu de dupes, ceux qui en prennent part semblent s'arranger pour tromper l'opinion publique et gagner de l'argent à leurs profits. C'est un petit monopole de personnage, un petit groupe, qui finalement tirent les ficelles de la société et de l'argent avec agilité.

Maupassant se sert certainement de son expérience de reporter pour nourrir cette partie de son roman. Par ailleurs, les anecdotes - sans doute véridiques..... - qui apparaissent (reprise et modifications minimes des anciens articles pour en faire de nouveaux, en changeant simplement le titre et en changeant quelques phrases - le public est réellement pris pour un imbécile mais passons ; la rédaction d'articles tout à fait inventés, censés être tirés de l'interview de quelques personnages.......) tout le long du roman sont propres à inspirer l'indignation la plus vive. La presse ne dévoile que ce qu'elle a envie de dévoiler, elle ne se sert que des informations nécessaires à son profit seul; elle manipule avec une facilité des plus dangereuses. On lui attribue à tort la qualité d'impartialité et de vision objective du monde... S'en méfier devient indispensable, et cela est valable encore de nos jours...

Maupassant décrit une bien triste société d'argent et de scandales politiques, où, pour gagner le haut du podium, être roublard semble être la seule condition. Toutes les valeurs humaines sont écrasées face à l'ambition et l'absence de scrupules, la manipulation d'autrui, l'ascension sociale grâce aux femmes, vues notamment comme de simples objets de parure, de décorations presque. Suzanne, la femme finalement épousée, est décrite comme une "poupée", une simple marionnette.

Et à moi de penser, comment, après les humiliations incessantes, l'infidélité et les coups, les maîtresses de ce Duroy peuvent continuer à l'aimer si profondément, et toujours lui pardonner....?

Bref, un roman qui met de méchante humeur parfois mais qui est très très plaisant à lire, et qui met avec brio en lumière les vilenies d'une société pas si passée que ça...

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